Palais du Rhin à Strasbourg

Kaija Saariaho, in memoriam

Active sur la scène internationale depuis 1980, Kaija Saariaho, née à Helsinki en 1952, n’a jamais cessé de composer, laissant à son catalogue quelque 170 œuvres couvrant tous les genres de la création sonore. En 2021, elle reçoit le Lion d’or de la Biennale de Venise qui récompense la trajectoire d’une des plus grandes compositrices de notre époque. A Paris, où elle réside depuis 1982, elle est élue à l’Académie des Beaux-Arts en mai 2022 et se voit décerner la même année par l’Académie Charles Cros le Prix du Président de la République remis en septembre dernier lors du festival Musica qui fêtait ses 70 ans.

Éblouissance du timbre

À Darmstadt en 1980, les cours de Gérard Grisey et Tristan Mural, tenants du courant spectral, lui révèlent sa voie et c’est à l’Ircam qu’elle vient travailler avec les logiciels d’analyse pour explorer le son dans ses infimes qualités. Lichtbogen pour ensemble, Nymphéa (Jardin secret III) pour quatuor à cordes et électronique, Solar pour ensemble ou encore Orion pour orchestre disent le raffinement des textures, l’irisation des couleurs et le travail sur le timbre, entre son clair (consonance) et matière bruitée (dissonance).

Autour de Kaija

La vingtaine de ses pièces solistes, avec ou sans électronique, est adressée aux interprètes et amis dont elle aimait s’entourer : le violoncelliste Anssi Karttunen (Près, Spin and Spells , Papillons, etc.), la flûtiste Camille Hoitenga (Noa, Noa), le violoniste Gidon Kremer (Graal Théâtre), la soprano Dawn Shaw (Lonh). Comptent également parmi ses collaborateurs fidèles, le metteur en scène Peter Sellars et le librettiste Amin Maalouf avec qui elle réalise nombre d’ouvrages lyriques. De son premier opéra L’amour de loin (2000), commande du festival de Salzbourg, à Innocence qui triomphe à Aix-en-Provence en 2021, les opéras de Saariaho assoient la réputation mondiale de la compositrice. Si trois d’entre eux portent sur la scène des destins de femmes (Adriana mater, La Passion de Simone, Émilie), Only the sound remains regarde vers le Japon, un pays avec lequel la compositrice se sentait pleinement en phase : dans la communion avec la nature, la pudeur et la politesse, l’ombre et la lumière, le soin et la précision… Des traits et qualités qui renvoient à la personnalité comme à la musique de cette grande dame qui vient de nous quitter.

Michèle Tosi

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