Sélection Jeune Public automne 2019
Une sélection proposée par le groupe Jeune Public :
Gérard Authelain, Gilles Avisse, Dominique Boutel, Blandine Canonne, Odile Martin, Véronique Soulé et Françoise Tenier.
Dès 2 ans
Tipi tipi ta
Le Petit Rayon Magique
1 LIVRE-CD, BENJAMINS MEDIA, COLL. TAILLE S
Musiques composées et interprétées par Fred Bigot
Illustrations : Christophe Alline
Les comptines et chansons traditionnelles enfantines constituent un vivier inépuisable pour les musiciens et les chanteurs, dont on aime découvrir de nouvelles versions, à condition qu’ils fassent preuve d’une réelle inventivité. De l’inventivité, le duo du Petit rayon magique - l’illustrateur Christophe Alline et le musicien Fred Bigot - n’en manque pas. Ils reprennent seize chansons ou comptines, certaines très connues, quelques-unes beaucoup moins (Londres flambe, Pauvres légumes). L’univers musical délicieusement électro-acoustique, les voix graves, les tonalités et la rythmique un peu décalées, le jeu sur la répétition, les arrangements très élaborés leur donnent un sacré coup de frais, même s’il se dégage parfois une certaine mélancolie conférant une gravité inattendue à quelques chansons.
Bravo à Fred Bigot, dont c’est la première réalisation musicale pour les enfants ; il les a mises en musique avec, entre autres, une prédilection pour la guitare, et les interprète accompagné d’autres voix d’adultes auxquelles se mêlent celles d’enfants.
Dans le livre, comme sur le CD, les comptines et chansons sont présentées et classées suivant les quatre éléments - terre, air, eau, feu - avec des illustrations réalisées en papiers et bois découpés très suggestives. Le livre-CD et le spectacle qu’il accompagne ont été créés cette année, dans le cadre d’une résidence au Festival Croq’ les mots, marmot ! en Haute-Mayenne.
Congo. Comptines, danses, berceuses du Kasaï
Maryse Ngalula
1 CD, ARB MUSIC
Maryse Ngalula est une star au Congo et pas seulement : lauréate de « découverte francophone » en 2004, du prix SABC Africa, « artiste du centenaire » en 2010, cette auteure-compositrice guitariste a grandi au Kasaï, une province du Congo, avant de s’installer à Kinshasa. Dans sa famille, tout le monde est musicien, choriste, guitariste : ces chansons traditionnelles qu’elle fait vivre dans le disque, elle les a certainement entendues et pratiquées dès sa plus tendre enfance. En tous les cas, elle les fait vivre ou revivre avec une variété de nuances, d’humeurs qui colorent l’album. Sa voix y est aussi pour beaucoup, tour à tour caressante ou rieuse, souvent drôle : elle ne ménage pas les effets sonores, les rires, les confidences, en congolais ou en français. L’accompagnement musical d’Amen Viana à la guitare, d’Emile Biayenda aux percussions multiples, djembe, bongo, maracas, udu, guiro, cajon… et Shomin Bouboul Akwel au chœur, donnent un véritable environnement musical, parfois revisité, à ces chansons qui racontent souvent des histoires de tous les jours, pêche, animaux...
Dommage que le CD donne toujours aussi peu d’indications sur les paroles.
Dès 4 ans
L’échappée belle. Chansons pour un embouteillage
Serena Fisseau, Aimée de La Salle
1 livre-CD, éditions des Braques
Quinze poèmes de Maurice Carême, Jacques Charpentreau, Raymond Queneau, Claude Roy
Mise en musique et interprétation : Serena Fisseau et Aimée de La Salle
Illustrations : Soline Garry
Quand on se retrouve coincés dans un embouteillage, que pourrait-on faire de mieux que de chanter et dire des poèmes ? C’est à ce voyage - initiatique à plus d’un titre - que nous convient Serena Fisseau et Aimée de la Salle.
En effet, elles nous prouvent de leurs voix claires, douces et puissantes que, même enfermés dans le petit habitacle, on peut vraiment s’amuser : un peu de pluie, une mouche qui tournicote, un arbre tout seul ou même un marteau-piqueur deviennent alors sources d’inspiration de jeux, de musiques, d’improvisations vocales et de chansons. On peut aussi se laisser aller à ses rêveries qui deviennent cerf-volants ou poissons voyageurs !
Car tous leurs beaux mots fantasques sont avant tout des poèmes signés Raymond Queneau, Maurice Carême, Claude Roy ou Jacques Charpentreau, qui balisent cette route en-chantée et qu’illustre Soline Garry de ses couleurs vives et joyeuses dans le grand livre qui accompagne le CD. Plus jamais vous ne vivrez les embouteillages de la même façon !
Le petit nuage
Da Silva
1 Livre-CD, Actes Sud junior
Texte et narration : Da Silva
Compositions : David Euverte et Emmanuel Da Silva
Illustrations : Sophie Bouxom
Un petit nuage décide de contrarier la vie des habitants de la montagne en restant accroché au même endroit pendant longtemps : c’est le bazar, la pluie ne cesse de tomber. Que va devenir le village si la saison de ski ne peut commencer ?
Sur une réflexion écologique toute simple, le musicien Emmanuel Da silva , avec la complicité de l’illustratrice Sophie Bouxom, imagine une fable prétexte à de bien jolies musiques, qui sont des invitations poétiques. La voix de Da Silva, qu’il conte ou qu’il chante, est envoûtante, et l’accompagnement musical, léger mais solide, de la chorale d’enfants aux musiciens, le pianiste David Euverte et le saxophoniste Daniel Pabœuf.
Le récit et les chansons flottent comme un petit nuage...
Un pique nique au soleil. L’extraordinaire voyage de la bande à Bébert
Jérôme Minière
1 Livre-CD, La Montagne secrète
Texte : Christiane Duchesne et Jérôme Minière
Interprétation : Jérôme Minière, Bruno Marcil, Ariane Moffatt, Frannie Holder, Salomé Leclerc et Michel Rivard
Illustrations : Marianne Ferrer
Pour échapper à la pluie qui tombe depuis cent jours, une bande d’amis part pique-niquer sur la montagne bleue en espérant y trouver le soleil. Bonne humeur et convivialité sont au rendez-vous de cette histoire légère comme une bulle de savon, ponctuée de chansons. Il était un petit navire, Colas mon petit frère, Au clair de la lune, Le loup le renard et la belette y côtoient des compositions personnelles de Jérôme Minière sur les textes en forme de comptines de Christiane Duchesne : paroles simple que les jeunes enfants auront plaisir à reprendre avec les interprètes, tous issus de la scène québécoise : Ariane Moffatt, Salomé Leclerc, Frannie Holder, et Michel Rivard - remarquable dans la chanson des pirates. Un enregistrement joyeux et convivial pour les tout-petits.
Soriba et les animaux musiciens
Souleymane M’Bodj
1 Livre-CD, Milan
Auteur : Souleymane M’Bodj
Illustrations : Jessica Das
Depuis de nombreuses années, le conteur et musicien Souleymane Mbodj chante, raconte, joue de la musique pour les enfants sur scène, enregistre disques et livres-disques, pour se faire passeur de la tradition orale africaine, et plus particulièrement du Sénégal dont il est originaire.
Dans ce conte musical, il campe un jeune garçon, Soriba, doué pour la musique, et des animaux traditionnels de l’Afrique, tels Leuck le lièvre, Gaindé le lion et d’autres, désireux, eux aussi, d’apprendre la musique. A chacun son instrument : l’udu (jarre en terre cuite), le djembé, le doumdoumba (percussion faite à partir d’un fût en bois), le tambour de bois, le balafon et le tama (ou le tambour parleur). Les rebondissements de l’histoire permettent de les découvrir un à un, de repérer leurs spécificités respectives, avant de les entendre à l’unisson lorsque Soriba et les animaux défient le sorcier au pouvoir maléfique. Discrètement pédagogique, l’histoire d’une vingtaine de minutes, joyeuse et ponctuée de chansons, est portée par la voix chaleureuse et précise du conteur et amplifiée par les illustrations très colorées de l’album.
On ne va pas se laisser faire
Richard Marnier, Gilles Serna
1 LIVRE-CD, BENJAMINS MEDIA, COLL. TAILLE S
Textes : Richard Marnier
Interprétation : Gilles Serna
Illustrations : Amélie Jackowski
Un conte où l’on retrouve les trois petits cochons, un agneau, une poule et un petit garçon mais aussi un loup, un renard, une sorcière et un ogre. Il y a donc les gentils et les vilains. Et les vilains vont dépouiller les gentils. Ceux-ci vont-ils se laisser faire ? Il semble que oui, et nous sommes tout dépités de la tournure de l’histoire : pas de reproches ? Pas de combat ? Pas de défenses ? Et bien, la chute est maligne et habile, et voilà tout le sel de cette petite histoire. Comme d’habitude, Benjamins média offre un texte bien scandé par une phrase répétée qui rythme le conte ; chaque personnage a sa propre personnalité à travers la diction du narrateur ; et la morale nous enchante car simple et bienveillante. La flûte apporte une touche médiévale qui n’est pas pour déplaire également ! Laissons-nous faire !
Alba. Voyage musical en Angleterre
1 Livre-CD, La CaZa Musique, coll. Tout S’Métisse
Textes : Caroline Chotard
Musiques : Zaf Zapha
Illustrations : Les MamouchkAs
L’Angleterre, berceau de la pop music, a toujours été une source d’inspiration pour les musiciens du monde entier. Et pour ce nouveau volume pétillant et dansant, Zaf Zapha et Caroline Chotard, après nous avoir baladés aux quatre coins du monde (Amérique latine, Maghreb, Inde, Brésil ou Nouvelle Orléans), nous font prendre l’Eurostar ! A peine arrivés de l’autre côté de la Manche, on est sonné par la « Music » ! Et on retrouve des personnages de connaissance comme la mère Michel ou Frères Jacques… devenus très rock ! Plus loin, on entend Big Ben sonner dans une chanson originale interprétée par Hugh Coltman… Tandis qu’une kyrielle de fraiches voix d’enfants chantant en français et en anglais se mêlent à celles de JP Nataf et Mathieu Boogaerts, également de la party !
Une quinzaine de titres toniques pleins de solides, riches et malicieuses références aux Beatles, Queen, Dépêche Mode, Madness ou Clash, mettent dans l’oreille des enfants les sonorités phares et les instruments emblématiques des dernières décennies depuis les 60’s, en feuilletant le livre plein d’infos, joyeusement illustré par les MamouchkAs . It’s only rock and roll and we like it !
Atchoum
François Hadji-Lazaro
1 Livre-CD, Milan
Paroles, musique et chant : François Hadji-Lazaro
Illustrations : Delphine Durand
Avec son physique de videur de boîte de nuit et sa voix qui charrie des cailloux, François Hadji-Lazaro n’a pas vraiment le profil du gentil chanteur pour enfants. C’est pourtant le troisième disque qu’il consacre au jeune public après Pouët et Ma tata mon pingouin Gérard et les autres. Et c’est une réussite. De l’humour, de l’humour et encore de l’humour dans ces douze chansons en prise directe avec le monde de l’enfance. Le leader des Garçons Bouchers n’hésite pas à prendre à contre-courant les tendances actuelles avec un hymne au saucisson aussi réjouissant que totalement anti-vegan et une quasi-déclaration d’amour à La belle au bois dormant qu’il préfère à tous les super-héros. De la tendresse, il y en a aussi avec Mamie, évocation d’une grand-mère tout à fait ordinaire, mais trop tôt disparue. Côté musique, il y a de quoi s’en mettre plein les oreilles avec des arrangements qui ratissent large - du rock alternatif à la bourrée - et une foultitude d’instruments - de la vielle à roue à la basse en passant par le oud égyptien, le mélodéon cajun, les claviers, la clarinette... A déguster en famille.
Les yeux ouverts
Ici Baba
1 CD, Victor mélodie
Textes et interprétation : Ici Baba (Samir Barris et Catherine De Biasio)
Dès la première chanson, le rythme, la polyphonie, la fraîcheur des voix, rendent joyeux et alerte. La chanson suivante associe des voix d’enfants, invités à respirer avec le chanteur et le souffle du trombone. On se demande ensuite ce qui se passe derrière la porte ; d’ailleurs on ne sait pas, mais depuis longtemps on a appris que les questions sont plus intéressantes que les réponses. Là encore la polyphonie et un accompagnement instrumental simple et efficace offrent un bon soutien aux improvisations. La voix des enfants est sollicitée mais sans fausse gaminerie, et surtout avec un grand naturel et une belle qualité (Bateau sur l’eau). Ce disque se présente avec une grande variété dans la composition vocale et musicale, des dialogues finement ciselés, sans systématisation. Le Parapluie est aussi une petite merveille de quarante secondes, avec une fine transition sur la suivante (Soleil). Cette qualité, c’est celle que l’on a tant de fois appréciée chez nos amis bruxellois qui n’ont jamais oublié l’invitation de ces dénicheurs de talents qui ne cessaient de proposer, déjà en 1980 : « Parents, si vous chantiez ».
Dès 6 ans
Dans les bois
Tartine Reverdy
1 CD, Là Haut Production/L’Autre Distribution
Textes et interprétation : Tartine Reverdy
Quand on écoute un disque de Tartine Reverdy, on suppose qu’elle doit avoir une entrée secrète dans l’école de son village. On l’imagine silencieuse au fond de la classe en train de prendre des notes, et on se demande si elle a des conversations ailleurs que dans une cour de récréation et si elle mange ailleurs que dans une cantine. Chaque fois qu’elle aborde un thème, un sujet grave comme l’écologie ou un rêve comme celui de construire une cabane dans les bois, l’histoire du roi Louis sous son chêne ou celle des immigrés sous une tente, on est dans l’univers vrai des réflexions de l’enfance. Elle est à la fois capable de s’interroger sur les sujets sérieux des grands et sait en même temps être moqueuse avec délicatesse dans la distribution des bon points et aussi des mauvais points pour le grand-père qui mange des tomates en plein hiver, mauvais points qu’elle s’accorde aussi quand elle découpe les limaces au sécateur (à mon époque, on arrachait les ailes des mouches ou des hannetons).
Musicalement les voix et les arrangements font des trois artistes à l’œuvre un véritable trio indissociable, où des invités peuvent aisément trouver place le cas échéant. Je ne sais pas si un chant de coquelicot fait pousser l’amour (chanson qui termine le disque), mais une chanson de Tartine fait pousser l’amour de la chanson et fait grandir l’envie de chanter avec elle.
Radio Citius Altius Fortius. Plus vite, plus haut, plus fort
Merlot
1 Livre-CD, Le Label dans la forêt
Chansons : Merlot
Illustrations : Benjamin Gozlan
Aborder un disque de Merlot, c’est se dire d’emblée que rien ne sera comme d’habitude. Il faut donc se préparer à être inondé de sons inattendus, de musiques inopinées. Et aussi d’un flot de paroles qui semblent répondre à des configurations journalistiques, scientifiques, sportives, et en fait toujours un brin en décalage. A propos de Merlot, on pense à la célèbre invitation de Raymond Queneau extraite de Zazie dans le métro : « N’oubliez pas l’art tout de même. Y a pas que la rigolade, y a aussi l’art. » Le même auteur aurait peut-être dit à propos de Merlot, dans son style bien à lui : « Méoudonkivacherchétouça ? » Impossible de décrypter en quelques lignes l’art et la manière de ce chanteur-auteur-compositeur-espiègle-arrangeur et commentateur de la planète « performance physique ». Comme dans une émission de radio, il y a de vrais interviews de sportifs avec les réponses ébahies et niaises de ceux qui sont prêts à s’extasier de tout, de vrais jeux radiophoniques autour de la baballe dont il faut reconnaître au son s’il s’agit de basket-baballe ou de baballon-prisonnier. L’art de Merlot, c’est que l’on n’est pas uniquement dans la cocasserie. Au détour d’une chronique aux sons des reportages sportifs des années 50, Radio-Merlot évoque les exploits sportifs de ceux qui n’ont qu’un bras, pas de jambes, pas de mains, ou sont aveugles, précédant une chanson pleine d’une vraie tendresse sans mièvrerie : « On est tous faits de papier, fragiles comme des allumettes, on peut, on peut, sans les mains, sans les pieds. »
Nadine et Robert, les poissons rouges
Delphine de Vigan
1 Livre-CD, Michel Lafon et France Inter, OLI
Texte et narration : Delphine de Vigan
Illustrations : Sess
C’est une double gageure que de demander à des auteurs, qui n’en ont pas l’habitude, d’écrire une histoire pour enfants et ensuite de la lire à voix haute. Une gageure qu’a su relever avec brio l’écrivaine Delphine de Vigan à la demande de France Inter qui, depuis plus d’un an, propose aux jeunes enfants d’écouter de courtes histoires écrites et racontées par des auteur(e)s contemporain(e)s de renom à leur intention et diffusées sous forme de podcasts. Parmi ce catalogue d’enregistrements qui s’étoffe au fil des mois, quelques-uns ont été déclinés sous forme d’albums illustrés, dont celui de Delphine de Vigan.
Pour sa première fiction pour les enfants, c’est une réussite ! Conçue vraiment à hauteur d’enfant, l’histoire de la mort et de l’enterrement du poisson rouge du petit Titou devient, grâce à un père attentionné et plein de ressources, une aventure pleine de rebondissements. L’écriture simple et enlevée est mise en valeur par la voix chaude et le ton juste de Delphine de Vigan, et par l’élégant habillage sonore. Quel dommage, alors, que la mention de ce podcast, disponible sur le net, n’apparaisse qu’en dernière page, et non pas sur la couverture ou sur la page de titre, de cet album aux illustrations enjouées. À corriger dans une prochaine édition ?
Dès 8 ans
Les bedaines de coton ou la vie de Charley Patton, un bluesman du Delta
Cyril Maguy
1 Livre-CD, Le Label dans la forêt
Chansons et musiques : Cyril Maguy
Illustrations : Bertrand Lanche
Mise en couleurs : Yann Autret
Les bedaines de coton représentent les riches fermiers blancs des champs de coton dans le Mississipi et symbolisent aussi ces énormes ballots de coton transportés sur leur dos par les travailleurs noirs qu’ils faisaient toujours trimer au début du vingtième siècle. Charley Patton, guitariste, né en 1891 dans le Mississipi quelques années après l’abolition de l’esclavage, a fait naitre le Delta blues, le premier style de blues, dont lui et Robert Johnson restent les deux artistes incontournables. Cyril Maguy, guitariste, auteur, compositeur, interprète – pour les enfants mais pas seulement -, est passionné par le blues, d’hier et d’aujourd’hui, au point d’être allé jusqu’à Memphis et dans le Mississipi, sur les terres du Delta blues. De ce voyage est venue son envie de raconter l’histoire de la naissance de cette musique aux enfants, d’abord pour un spectacle, puis pour cet enregistrement. La guitare, parfois jouée avec un bottleneck, un tube de métal qu’on fait glisser sur les cordes, et l’harmonica y sont les instruments les plus utilisés, mais il y a aussi la washboard, la planche à laver sur laquelle on frotte et tape avec des dés à coudre, ou encore la contrebasse, autant d’instruments joués par Cyril Maguy et les musiciens qui l’accompagnent.
En treize chansons, il raconte la vie de Charley Patton, ce vagabond musicien qui aimait faire la fête autant que la bagarre, séduire les femmes, et bien sûr jouer de son instrument. Cyril Maguy a écrit paroles et musiques de plusieurs d’entre elles, ou bien arrangé et adapté des mélodies de Patton et de Johnson. Toutes les chansons sont remarquables, autant par les arrangements musicaux et le jeu des instruments que par l’interprétation à plusieurs voix qui donnent toute leur puissance aux paroles. Certaines sont joyeuses, très rythmées,d’autres plus âpres, bien sûr. Surtout, on entend l’attachement de Cyril Maguy pour cette musique qu’il a su faire sienne ! Dans le livre, les paroles sont illustrées par un trait noir épais, vif, qui ne manque pas d’humour ; les couleurs déclinées sur une palette de brun et de bleu, la mise en page et les plans variés rendent l’album dynamique, et surtout très original.
Vingt mille lieues sous les mers
Stéphane Michaka, Didier Benetti
1 Livre-CD, Radio France/Gallimard Jeunesse
Adaptation : Stéphane Michaka
Musique : Didier Benetti
Avec l’Orchestre national de France, dir. Didier Benetti
Illustrations : Gazhole
Réalisation : Cédric Aussir
La longue épopée du capitaine Nemo et de son vaisseau le Nautilus, la rencontre avec le scientifique Aronnax, son domestique Conseil et Ned Land un harponneur vindicatif, est une histoire écrite en 1869, plus d’un siècle déjà ! Un voyage extraordinaire résumé en une heure mais mis en musique et interprété par l’Orchestre national de France, et voilà une nouvelle interprétation qu’il ne faut pas manquer. Les quatre interprètes qui dialoguent et nous font avancer dans l’histoire, l’orchestre symphonique qui appuie la dramaturgie de cette aventure sous-marine, les bruitages et la langue mystérieuse des marins, le livre grand format aux couleurs dominantes bleu turquoise, tout participe à nous faire vivre un grand moment musical, sonore et littéraire. Voilà une œuvre puissante et passionnante !
Dès 10 ans
La bête à sept têtes
ARFI
1 CD, ARFI/L’Autre Distribution
Conte musical de l’ARFI
Texte : Clément Gibert
Narration et musique : Clément Gibert, Clémence Cognet, Olivier Bost
Insérer un CD de l’ARFI dans un lecteur de disques, c’est accepter d’avance de se laisser déposséder de son confort et se dire qu’on va pouvoir écouter des musiciens trifouiller les sons, c’est à dire fouiller une fois, deux fois, trois fois leur texture et leur combinaison. On n’est jamais perdu, car on a toujours les pieds bien enracinés, par exemple avec un rythme de bourrée (celui qui ouvre le disque) et qui permet alors à une clarinette, un trombone, un violon, de faire chacun leur danse. Et pour que l’on ne soit pas perdu dans un agencement sonore qui « déchire », comme aiment à dire les adolescents, le violon entame rapidement l’air de l’herminette, dont chacun sait (au moins en Auvergne) que c’était un instrument servant à tailler les sabots. Lesquels sabots étaient la chaussure idéale pour danser la bourrée. CQFD. Ainsi au terme de la première plage toute l’intelligence de la composition est en place. Le conte peut alors commencer, écrit par Clément Gibert, parsemé de chansons traditionnelles, revisitées et adaptées selon l’esprit ARFI. La musique nous plonge dans un monde qui s’autosubmerge dans son histoire passée et à venir. Qu’importe l’accord parfait pourvu qu’on ait l’ivresse ? C’est une musique à écouter ensemble après s’être rendus disponibles les uns aux autres. C’est la suggestion de la dernière chanson, où la bête est finalement fière de dire qui elle est quand on la rencontre sur les routes ou sous les ponts.
A l’Est du Soleil, à l’Ouest de la Lune
Mapie Caburet
1 CD, OUI’DIRE, COLL. CONTES D’AUTEURS
Texte et narraion : Mapie Caburet
Musique : Jan Vanek Trio
Est-il encore possible d’imaginer des contes racontés aujourd’hui qui aient la même puissance que ceux d’autrefois, consacrés par le temps ? La réponse est oui, avec ce conte norvégien traditionnel revisité par Mapie Caburet. L’histoire, en deux parties, fait penser à d’autres histoires célèbres, comme La Belle et la Bête, ou encore des récits mythologiques, comme Amour et Psyché dont elle s’inspire.
La trame est classique, le parcours initiatique d’une jeune fille : après avoir fait le choix d’épouser une bête pour sauver sa famille, ce qui vaut à l’auditeur de belles scènes sur l’éveil des sens, l’héroïne est confrontée, pour sauver le Prince dont elle n’a pas su respecter la parole, à trois vieilles femmes et d’horribles trolls. Au delà de la simple trame narrative, et c’est ce qui en fait la puissance, ce conte résonne avec les problématiques éternelles de l’amour et de la mort. C’est aussi une histoire de courage et comme le dit l’auteure : « Le conte illustre les peurs et les difficultés de la rencontre entre masculin et féminin, l’apprentissage d’aimer ou la quête de soi. »
La musique du guitariste, compositeur Jan V. Vanek, entre folklore et musiques improvisées, qui accompagne tout le long le récit s’adapte aux moments tragiques, épiques et même sensuels du récit et inscrit l’histoire dans le temps, celui qui passe, de l’aventure, du voyage. Elle se marie avec la musicalité de la voix de la narratrice, qui a su trouver un ton, une distance , une simplicité sans niaiserie, un choix de langue qui emportent, entre facétie et sérieux, créant de beaux espaces de rêverie.
On se prend à regretter que le récit finisse par se conclure !
La harpe de la reine, ou le journal intime de Marie-Antoinette
Carl Norac, Marianne Hands, Les Arts florissants
1 Livre-CD, Harmonia Mundi/Little Village
Texte : Carl Norac
Narration : Marianne Hands
Musique : les Arts florissants
Direction : William Christie
Harpe : Xavier de Maistre
Illustrations : Eric Puybaret
Pas si facile le métier de reine, surtout lorsqu’on est obligé de l’exercer loin de chez soi et depuis l’enfance : c’est pourtant le destin de Marie-Antoinette, future femme de Louis XVI dont l’Histoire, la grande, a retenu un portrait peu flatteur. Le récit frais, juste et poétique, souvent primesautier de Carl Norac réussit à merveille à nous transmettre les faces cachées du métier de reine, tout autant que la passion de Marie-Antoinette pour l’instrument qui l’a accompagnée depuis son départ de Chönbrunn, sa harpe : on suit avec tendresse, pitié, étonnement, le parcours de cette petite fille, venue d’Autriche, qui a quitté son pays, sa famille, devient reine enfant pour entrer à la cour de France, à Versailles , où elle n’est pas la bienvenue et dont elle ne connaît pas les codes. Elle y est soumise à l’étiquette, à la moquerie, et ce qui lui permet de s’évader de ce monde où l’enfance, l’intimité sont piétinées, c’est la musique. Le récit s’arrête avant que la tragédie ne commence, on en sent pourtant déjà les frissons…
La comédienne Marina Hands s’empare avec beaucoup de talent de ce récit, jamais emphatique, au contraire, et nous rend proche ce personnage juvénile de l’Histoire au destin si inhabituel. Elle sait varier les humeurs, passant de la mélancolie au rire, s’emparant d’un texte qui reste pudique et donne ainsi l’impression, avec beaucoup de finesse, que nous sommes les témoins privilégiés des royales confidences.
Les éditeurs sont allés chercher le « must » de l’illustration sonore en empruntant les musiques au répertoire enregistré par l’ensemble Les Arts Florissants, que dirige William Christie. Quant à la harpe, elle est jouée par Xavier de Maistre, le maitre du genre, et de surcroit, un homme ! On leur doit de très belles pages de la musique de l’époque, commanditée ou interprétée par une reine qui fut en effet très musicienne et répandit la mode de l’instrument ! Et les extraits choisis sont de la bonne durée mais laissent tout de même entendre ce que fut la musique du XVIIIe siècle.
Les illustrations d’Eric Puybaret répondent à la délicatesse de l’ouvrage.
Une façon raffinée et captivante de découvrir l’autre côté du miroir de l’Histoire.