Vijay Iyer - Linda May Han Oh - Tyshawn Sorey

Un nouveau trio du pianiste, et un disque surprenant : presque classique, entendez le classicisme du trio de jazz moderne (équilatéral, interactif, fondé sur l’écoute mutuelle), et pourtant pétri des libertés musicales qui ont accompagné le parcours de Vijay Iyer depuis ses débuts phonographiques au côté de Steve Coleman, voici plus de 25 ans. Le disque est porté, tout à la fois, par une grande ambition esthétique et par un désir de rester en phase avec le monde tel qu’il est, en l’occurrence la dure réalité états-unienne, avec ses démons immémoriaux qui briment les minorités. La première plage, Children of Flint, est à cet égard, très révélatrice : le pianiste évoque les enfants de cette ville, non loin de Detroit, où les problèmes sanitaires et sociaux mettent à mal la jeunesse afro-américaine, son intégrité et son avenir. Rien qu’une évocation, mélange de mélancolie et d’énergie. Pas un manifeste, juste une création musicale mue par le sens, un sens qu’elle n’expose pas, mais dont elle suggère la teneur, entre tensions et mouvement. Le thème suivant, Combat Breathing, avait été composé pour accompagner une intervention au moment de la première vague du mouvement Black Lives Matter, en 2014. Les thèmes du pianiste sont le fruit de vingt années de composition, ici rassemblés en une œuvre originale qui accueille aussi une version hardie et très renouvelée de Night and Day de Cole Porter, et Drummer’s Song, un thème de Geri Allen qui fut pour Vijay Iyer tout à la fois un mentor et une collègue bienveillante. Toutes les compositions mettent en jeu l’énergie, et la recherche d’une densité rythmique qui porte et emporte les lignes mélodiques comme les choix harmoniques. Ce trio est d’un vigueur et d’une pertinence musicales impressionnantes. Augury, plage méditative en solo qui sollicite toutes les ressources de l’instrument, complète ce formidable ensemble.

À lire aussi…